« L’allaitement commence avant la tétée d’accueil…
Mayane – apasdemoa
Mais on ne le sait pas toujours… »
Lors de ma première grossesse, nous étions comme tous jeunes parents…
On n’en savait pas grand-chose. L’allaitement je connaissais. Ma mère avait allaitĂ© quelques mois ma dernière sÅ“ur. Ma cousine avait allaitĂ© notre neveu, bien que je n’aie pas souvenir de l’avoir vue allaiter devant moi. Ma belle-sÅ“ur Ă©tait ma version la plus Ă jour de l’allaitement, elle avait allaitĂ© notre neveu une moyenne de dix-huit mois Ă l’époque. D’ailleurs ça me paraissait Ă©norme dix-huit mois! Je me souviens que plusieurs fois on s’était fait la rĂ©flexion avec mon amoureux que jamais on allaiterait aussi longtemps ! Mais ça… c’était avant ! On en reparlera !
Nous Ă©tions donc lĂ , moi avec mon petit pois bien au chaud, et mon amoureux en fière supporter des Ă©vènements qui nous attendaient…
A ce stade l’allaitement était une option, parmi d’autres quand tu deviens jeunes parents : quels cours de préparation à la naissance ? Péridurale ou pas ? Berceau ou cododo ? Couches jetables ou lavables ? etc., etc., etc… tu dois sans doute connaitre tous ces questionnements et bien d’autres, si toi aussi lecteur, tu es parent, confirmé ou en devenir !
Bref, nous partions sans idées, sans a priori, sans questions… Ah si ! Quelques questions techniques sur l’allaitement auxquelles a patiemment répondue notre sage-femme diplômée en lactation à l’époque. Des questions du genre : le temps de conservation du lait une fois tiré? Tire lait manuel ou électrique? Faut-il stimuler avant l’arrivée de bébé… et tant d’autres. Je devais bien en avoir tout une feuille A4, pour quelqu’un qui ne se posait pas de question !
Le moment vient oĂ¹ la balnĂ©o ne suffit plus. Je sors. Il faut que je marche, que je bouge comme au matin avant mon premier bain. Je danse sur place et me mets Ă faire vibrer ma gorge, Ă chaque contraction des « mmmmmh » qui forme des mĂ©lodies tout droit sorties de mon imagination. Plus personne n’existe il n’y a que bĂ©bĂ©-maman-papa.
Mon amoureux qui se laisse tordre le coup à chaque contraction car j’ai mes bras autour de sa nuque le corps penché en avant, pour exécuter ma drôle de danse et mes jolis chants. Je les aime mes sons !
Puis vient la question fatidique, mon col est assez ouvert :
« alors vous souhaitez qu’on appelle l’anesthésiste. »
Miss troutrouille rapplique dans mon cerveau de primipare sans expérience et je réponds : « oui ! »
Et tout s’enchaine !
D’abord l’apaisement des douleurs. Puis plus rien qui ne se passe. Mon col s’ouvre oui, mais bébé ne veut pas descendre! Pas fou, il fait froid en bas! Pendant tout ce temps on blague avec mon amoureux.
La sage-femme rompt la poche des eaux, le liquide est teinté, elle n’aime pas trop ça, mais ne s’affole pas. Du moins en apparence. Mon amoureux et moi blaguons toujours.
BĂ©bĂ© ne descend toujours pas. Un peu d’ocytocine pour aider Ă contracter et dĂ©cider bĂ©bĂ© Ă descendre. Toujours rien! Mon amoureux regarde vers le monitoring, fait une drĂ´le de tĂªte, mais sur le moment je ni prĂªte pas attention. Il stresse mon amoureux, comme tous les jeunes papas. On blague encore… Une idĂ©e s’insinue en moi pourtant depuis que j’ai aperçu sa tĂªte, je le connais trop bien mon chĂ©ri.
Mais je refuse d’entendre, d’écouter ma tĂªte.
Je veux faire confiance à mon corps, à mon bébé. Ils savent quoi faire !
Avec l’ocytocine j’ai le droit Ă un joli masque Ă oxygène! Il me gĂªne ce masque, et puis ça me manque de bouger, mais avec la pĂ©ridurale si je me mets debout c’est la gamelle assurĂ©e! J’aurais dĂ» la refuser… je me rouspète un peu intĂ©rieurement! ! En plus je commence Ă voir des paillettes devant mes yeux! Je ris, je dis Ă la sage-femme :
Moi : « AH je vois des paillettes ! »
La Sage-Femme : « Qu’est-ce que vous voulez dire ? »
Visiblement j’ai dû donner un signal d’alerte, car le gynécologue est déjà là !
On va passer en salle d’accouchement pour une césarienne d’urgence !
– « Tout va bien se passer » me dit le gynécologue confiant
– « PrĂªte docteur, pas de soucis, tant que notre bonhomme va bien ! » lui rĂ©ponds-je d’un air jovial.
On passe dans la salle des urgences. Je pressens l’urgence, mais elle reste vague, pourquoi tout le monde s’affole, mon bébé va bien ! Et puis ce n’est pas grand-chose, on ouvre on le sort !
Mon amoureux doit rester dehors, il ne peut pas venir… je n’aime pas ça, mais bébé avant tout !
Je vais prendre sur moi, tout ira bien ! Dans la somme tout le monde est prĂªt, l’urgence se fait sentir, oppressante. Mais tous le monde essaie de rester d’étendu , pour me prĂ©server je suppose… Je n’ai personne Ă qui parler, personne Ă qui donner la main. Gentiment l’anesthĂ©siste me parle, me demande de la regarder. Mais je ne connais pas cette dame, qui lus est c’est elle qui Ă posĂ© la pĂ©ridurale et n’a pas voulu de l’amoureux, donc j’ai une lĂ©gère dent contre elle.
Moi je veux ma sage-femme, celle avec qui je plaisante depuis ce matin, je veux mon amoureux. La panique s’installe incidieusement en moi. Je la sens, mais j’essaie de la repousser.
La phrase fatidique arrive… ces simples mots que je n’oublierais jamais le gynécologue annonce :
« scalpel s’il vous plaît »
Et là tout bascule. Ma rationalité se fait la malle sans moi, cette goujate !
Elle me laisse là pantoise, inquiète pour mon bébé.
Mon bébé…
c’est une césarienne, c’est important, tout se passait très bien, je ne serais pas là s’il n’y avait pas un problème.
Mon bébé…
Qu’a-t-il ? Pourquoi il n’est pas descendu ? Les pires scĂ©narios passent dans ma tĂªte, et ma rationalitĂ© ne veut pas revenir.
Je respire…
Mon bĂ©bĂ©…
Je pense à mes cours d’hypnose.
Mon bébé…
Je visualise ma bulle, mon coin de sécurité.
Mon bébé…
J’ai froid, je tremble, on m’a pourtant mis deux couvertures chauffantes.
Mon bébé…
« Mon bĂ©bé » cette Litanie profonde et sourde m’obsède… S’il ne se dĂ©pĂªche pas c’est moi qui le sors !
J’entends, mais n’écoute pas.
Ca y est, ils ont sorti mon bébé, apparemment. Mais mon esprit étouffé par la panique ne capte pas. Je vois, j’entends mais ne vis plus rien, que dans l’expectative d’entendre mon bébé crier, pleurer, respirer qu’importe !
Je me souviens très précisément d’une seconde phrase dans tout ce brouhaha de souvenir. Le gynécologue qui baisse un peu le drap et me dit :
« N’ayez aucun regret, il avait le cordon autour du cou et dĂ©jĂ serrĂ©, si vous aviez accouchĂ© par voi basse j’aurais dĂ» vous arrĂªter, je n’aurais pas pu passer mon doigt entre le cordon et son cou pour le dĂ©gager«
Ok. Bébé va bien. Mais je ne l’entends toujours pas ?!
Dans ce mĂªme laps de temps la sage-femme fait le tour du champ opĂ©ratoire pour me prĂ©senter mon bĂ©bĂ©. On me prĂ©vient, il est un peu violacĂ© mais c’est normal. Oui ça va je sais Ă quoi ressemble un bĂ©bĂ© qui sort du ventre de sa mère, moi aussi je regarde des films !
Elle arrive,
mon bĂ©bĂ© dans les mains, mais elle a cette façon de le tenir. Son corps au creux de ses mains, mais sa tĂªte dans le vide.
Je le vois ce corps inanimĂ©, cette tĂªte qui pend dans le vide. Il n’est pas violacĂ©, Non ! Il est bleu, nu, Ă vif. il ne bouge pas.
« Il est mort » est la première pensée qui me traverse.
La sage-femme me sourit doucement : « C’est un beau petit garçon »
Je le regarde une secondes Ă peine. Je ne peux pas. Je ne vois qu’une petite chose inanimĂ©e, morte.
Je ne le regarde pas plus, il ne faut pas que je m’attache, après tout il ne respire pas.
Mais pourquoi il ne respire pas bordel ?!
Et elle, elle ne s’affole pas ? Tout va bien ? On fait quoi, on boit un cafĂ© maintenant ou sa peut attendre que mon bĂ©bĂ© respire ?
Je lui rĂ©ponds d’une froideur d’une d’un iceberg : « Qu’est-ce que vous foutez encore lĂ ? » (maman panique a parlĂ©)
Ma bouche a dit ça, mais ma tĂªte suppliĂ©e juste qu’elle se dĂ©pĂªche et me ramène mon bĂ©bĂ© vivant, RESPIRANT ! Je veux le voir respirer, l’entendre, c’est important pour moi, pour que ma tĂªte connecte tous les morceaux de ce film passĂ© d’un coup en avance rapide.
La porte s’ouvre la pendule du couloir indique 21H11. Mon bĂ©bĂ© est nĂ© Ă 21H11. Ma tĂªte se demande si ce sera aussi l’heure de sa mort, mais ca je ne le dirais jamais Ă personne.
Je vois mon amoureux, mon cerveau ne comprendra la scène que plus tard, mais ses yeux sont remplis de panique. Je ne l’ai jamais vue comme ça. Alors je panique encore plus, je tremble à tel point que l’interne doit s’assoir sur moi pour me recoudre (chose que je n’apprendrais que plus tard de la bouche de cette super interne aux mots très doux et qui a été visiblement aussi secouée que moi !). Entre-temps tout le monde entend mon bébé pleurer. On sent que le publique se détend d’un coup !
Le gynécologue me dit
« vous entendez, il pleure, c’est super ! Il va bien ! » Je sens son soulagement, et mĂªme un sourir dans sa voix.
Mais moi je n’entends pas, je n’entends rien !
J’essaie, je me concentre, mais rien.
Je suis déjà une mauvaise mère.
On me dit que bébé est en peau-à -peau avec bébé.
Je sens l’air revenir dans mes poumons et me picotait comme quand on retient sa respiration trop longtemps. Je crois d’ailleurs que je viens de battre un record d’apnĂ©e inconsciente.
Il est avec papa, il respire, il va bien.
Je n’entends pas le mot couveuse, ok.
Bébé va bien.
Mes soins se terminent, la samme se vide, la sage-femme revient près de moi.
Tiens, tu es lĂ toi ? C’est que mon fils va bien.
Elle me borde, me met au chaud, elle me donne des nouvelles de mon fils, à voix basse comme pour contre balancer toute l’agitation vécu il y a encore quelques secondes.
Je veux retourner dans ma chambre, je veux mon amoureux.
Elle m’écoute, elle me rassure, elle va aller chercher le « papa ». Elle a entendu que je l’avais beaucoup rĂ©clamĂ© pendant toute l’opĂ©ration. Elle y va, elle a une voix rassurante, apaisante. Je crois qu’elle entend moins besoin urgent de retrouver mon amoureux. Elle tamise la lumière, et me dit que papa et bĂ©bĂ© vont arriver. Cependant, je dois encore rester lĂ , mais mon amoureux et mon fils vont arriver. Ils vont venir avec moi ici dans cette salle devenu tout Ă coup grande et froide sans personne d’autre que moi. Ca ne tarde pas, mĂªme si ça me paraĂ®t dĂ©jĂ trop long, elle fait d’abord entrer mon amoureux. Je tremble encore, des spasmes incontrĂ´lables rien Ă faire. Mon amoureux entre et je me sens dĂ©jĂ mieux. Il me touche, me caresse, me check inconsciemment ! Ça m’apaise. Il m’apaise. La sage-femme ouvre la porte, elle a mon fils dans ses bras, enroulĂ© bien au chaud dans la couverture polaire bleue que nous lui avions choisie (oui je sais, c’est clichĂ© ! ) c’est comme dans un film.
Je tremble encore, mais la perspective qu’elle pose ce petit Ăªtre sur mon corps est un Ă©lectrochoc.
Mon fils ne peut pas percevoir ce genre d’émotion comme première approche de notre relation.
Il faut que je me calme. C’est impératif et non négociable.
Elle approche.
« Calme toi tout de suite! »
Comme une injonction intransigeable, mon corps se calme.
Plus un seul tremblement.
Elle le dépose,
lĂ , en douceur, sur mon ventre, notre fils, ça y est… ce n’est plus le bĂ©bĂ©, mais mon fils… Notre tout petit, qui par un rĂ©flexe des plus primaires et archaĂ¯ques remonte le long de mon corps meurtri et fatiguĂ©, pour venir chercher ce flux vital Ă sa vie. Mais aussi Ă sa survie de petit d’homme, dĂ©pendant de la source mère pour continuer Ă grandir et murir dans ce monde d’un coup si brutal. Monde dans lequel il va devoir Ă©voluer, et pour lequel des millĂ©naires d’évolution ne l’ont pas encore prĂ©parĂ©s (mais c’est lĂ un autre dĂ©bat, voir le sujet d’un autre article !). Et c’est avec une Ă©motion intense, une rĂ©vĂ©lation primaire que je le laisse faire, et admire sa volontĂ©, sa patience, son Ă©norme capacitĂ© pour un Ăªtre si petit, si immature Ă trouver ce qui lui est naturel et nĂ©cessaire. Nous sommes Ă©merveillĂ©s, subjuguĂ©s… Une Ă©vidence naturelle s’impose Ă nous. Nous allons allaiter. Il n’est pas question d’une autre voie. Je dis « nous » et direz toujours « nous » en allaitement, car Ă partir de ce moment et jusqu’au bout, pour nous l’allaitement sera vraiment une aventure familiale. Il est Ă©vident pour nous que pour qu’un allaitement fonctionne il faut que cela soit une Ă©vidence pour tous les membres qui entourent l’enfant et la mère. Cela afin de leur apporter un maximum de soutien dans les moments de doute, de fatigue intense, et de tous les alĂ©as physiologiques que peut te faire croiser l’allaitement (engorgement, candidose, muguet et j’en passe !)
Notre voie lactée était ouverte, l’aventure engagée, et nous étions en route sur un chemin qui nous ne le savions pas encore aller nous faire cheminer sur bien des choses !
L’allaitement de mon grand s’est passé sans trop d’encombre, quelques embuches, surtout des engorgements, et bien que j’ai dû poser une ou deux questions de temps en temps, je n’ai jamais vraiment fait appel à de l’aide extérieure, favorisant notre écoute, l’écoute de nos corps, de nos besoins (alimentation, sommeil) et faisant une confiance que je peux qualifier aujourd’hui de « quasi aveugle » à mon instinct, mais aussi à celui de notre enfant.
Suivant ses besoins, ses rythmes…
Je n’ai appris que bien plus tard la fameuse règle des 3, 6, 9, 12 heures, jours, semaines, et mois qui ponctuent de manière gĂ©nĂ©rale en allaitement et correspondant au pic de croissancede notre bĂ©bĂ©.
Ce jour-lĂ , avant mĂªem que notre fils soit nĂ©, alors mĂªme qu’on l’aidait Ă sortir de mon ventre.
L’aventure Ă©tait lancĂ©e.
Et quelle aventure quand on regarde en arrière maintenant !
Car aujourd’hui ce n’est pas un mais deux bĂ©bĂ©s que j’ai le bonheur (et l’immense fatigue ! ) d’allaiter.
Et c’est si beau et si doux Ă mon coeur de maman.
Avant de conclure cet article pour de bon, j’aimerais remercier l’équipe qui s’est occupée de nous.
Mon rĂ©cit peut, peut-Ăªtre, secouer, mais j’évoque ici mon ressenti au coeur de l’accouchement que j’ai vĂ©cu, il me fait encore pleurer moi-mĂªme, de remuer toutes ces Ă©motions pĂªle-mĂªle.
Mais avec le recule, des brides de ce que j’ai vu et entendue mais que mon cerveau ne pouvait analyser sur le moment me sont revenus. Et l’équipe a toujours fait en sorte dâ€™Ăªtre humaine, ils sont restĂ© calmes, mais rapide et efficace.
Tout du long gynécologue, sage-femme et anesthésiste m’ont parlé, rassuré, expliqué -sans ajouter d’infos en trop- ce qui se passait ou aller se passer.
Je me souviens de brin d’humour de gynécologue, de ses mots de soutien :
« vous gérez super bien » ,
d’essayer de dédramatiser la situation :
« Ca arrive parfois… vous ni pouviez rien… mais vous avez assuré jusqu’au bout! c’est super »
Nous avons été chouchoutée pendant notre séjour. Alors un grand merci, car je sais que ce récit, n’évoque pas leur gentillesse, leur professionnalisme et leur humanité dont ils ont fait preuve au mieux de cette soirée mouvementée pour tous.