À l’heure où j’écris ces lignes il est bien tard. Comme à mon habitude j’ai de la musique dans les oreilles. Tu sais maintenant à quel point j’aime la musique.

Et de fil en aiguille je pense à deux discussions que j’ai eues ce soir avec deux d’entre vous.
Et je pense à ces livres que j’ai commencés, mais pas encore finis (le drame de ma vie depuis que je suis maman, moi qui pouvais me dévorer Narnia en 2 jours ! toi aussi tu as du mal à lire ?)

Et cette question obsessionnelle revient : mais quand est-ce que c’est parti en cacahuète tout ça ?

À quel moment le corps est-il devenu si sexuel que l’Homme s’est senti obligé de le contrôler ? Et de fil en aiguille de contrôler la maternité, et l’allaitement ?
Au point qu’aujourd’hui il est devenu presque tabou d’en parler librement et que l’on a « mis en place » inventé serait plus juste, des protocoles pour nous apprendre un geste, que l’on nous a culturellement sous couvert de moult prétextes plus foireux les uns que les autres, désappris, empêché de se transmettre de femmes à femmes.

Déjà j’ai bien senti dans le livre « Lady sapiens » de Jennifer Kerner, qu’à partir du moment où nous avons commencée à être bipède, ça a commencé déjà à puer cette histoire ! Et même pas que du fait des seuls hommes figures toi !
Quand on a commencé à être sédentaire, une infime couche est venue se rajouter. Quand il n’y avait plus ou moins d’échanges entre tribu. Avant lorsqu’il y avait un mariage une alliance c’était dans le but d’enrichir les tribus, la/le marié.e venait avec un savoir à transmettre à la tribu voisine. Et les savoirs se perpétuaient et s’enrichissaient à chaque nouvelle alliance. Les familles étaient regroupées. Les jeunes pouvaient observer les anciens. Il y avait des transmissions visuelles et orales.

Et nous avons continué d’évoluer, de changer. Et finalement pas toujours en bien. Avec les avantages sont venus les inconvénients.

Et quand tu lis « pourquoi les bébés dorment-ils dans des lits à barreaux » de Natacha Butzbach tu fais des liens avec le livre de Jennifer et tu t’aperçois que tout ça n’a été qu’un enchainement malheureux. Entre développements culturels, sociaux, religieux, et même artistiques. Chaque pan de notre évolution y est aller de son massacre de la parentalité, de la maternité et par extension de l’allaitement.En lisant « L ‘allaitement long expliqué à mon psy, ma voisine… » d’Agnès Vigouroux – que tu peux lire même si tu ne prévois pas d’allaiter 6 mois – tu comprends que les guerres, l’industrialisation, le développement des courants psychanalytique n’auront fait qu’enfoncer un clou déjà bien entamé.

Alors ne serait-ce que cela ? Des enchainements malheureux, dus à notre évolution ?
Je ne peux croire que pour des êtres qui se veulent évoluer, la base même des fondements de notre présence soient balayés et relayés au compost de notre anthropologie.

Remarque quand tu vois que ça fait si mal au cul à certains de simplement se rappeler que l’être humain est un mammifère et donc par ces termes lui rappeler que Oui nous sommes des animaux. Plus rien ne m’étonne.

« Tiens-toi bien, on n’est pas au cirque »
« Tu te prends pour un petit cochon, franchement »
« Merci c’est pas pour les chiens »

Tant de réflexions devenues anodines et courantes, qui en disent pourtant long sur le désir de domination, de se détacher de la base même d’où est issue l’espèce humaine.
D’ailleurs il est rare que l’on parle « d’espèce » humaine, mais plutôt d’humain tout simplement comme un « DE » devant un patronyme que l’on enlevait pour déchoir une personne qui se serait conduite avec déshonneur fût une certaine époque.

Évoluer signifie-t-il alors écraser ? Oublier ? Déraciner ?
Nous somme issu du sein de notre planète. Nous nous sommes nourri en son sein. Nous le faisons encore. Mais attention le sein de la Terre oui. Celui de ses enfants (les femmes) alors là non ! Faudrait pas pousser le bouchon trop loin Maurice ?! Ou Mauricette en l’occurrence.

Alors on perd cette transmission transgénérationnelle. On éclate les familles, on pousse à l’individualisme, et au séparatisme forcé dès le plus jeune âge, pour être bien sûr que nous n’ayons plus de transmissions orales et visuelles, afin que nous ne sachions plus faire, et nous plierons à une (a)culture alimentaire, parentale, et maternel qui n’aura plus aucun sens ? Qui poussera toutes ces nouvelles mères à se sentir perdues, se croire déficientes, nulles, inaptes… A faire des dépressions post-partum que l’on couvrira par des antidépresseurs. Et encore savourons notre chance d’en entendre parler aujourd’hui.

Car si j’ajoute la tragique lecture du roman historique « Au sein de Paris » de Christian de la Hubaudière. Mon cœur ne cesse de saigner de penser à toutes ces générations de femmes à qui l’on arrachait (y a vraiment pas d’autres mots sérieusement) leur bébé, à peine sortie de le ventre, encore chaud. Dont les nourrices elles-même coupaient le cordon, pour emmener aussitôt l’enfant qui n’était même pas présenté à la mère (il n’aurait pas fallu qu’elle s’attache ou se rebelle à vouloir le garder la bougresse).

Ces générations de femmes aliénées par leur résilience, sous peine de crever de cet arrachement contre nature. Et on s’étonne que nous soyons devenue si protectrices de nos jours ?! Nan les gars c’est juste un retour aux sources que nous permet à peu près (mais faudrait pas qu’on s’emballe non plus) notre société actuelle. Tu imagines les générations de traumas qu’on se trimballe ma bichette ?!

Car oui, ne te leurre pas, on porte toutes des traumas inconscients des femmes qui nous ont précédées dans notre lignée. Alors je ne te parle même pas si tu es issues d’une histoire où se mêle le métissage, la colonisation et l’esclavage ! Pardon de te le dire, mais tu te trimballes plus qu’un mot compte triple au scrabble !
Bien sûr aujourd’hui tu me diras que les choses tendances à changer, que l’on tente de se reconnecter à notre vraie nature. Que des luttes sont en place, que nous sommes la génération qui engagent un mouvement.

M’enfin en attendant on essuie aussi les plâtres. Car combien d’entre nous n’ont pas conscience du poids de ce passé, et des répercussions sur leur allaitement présent ?

Et puis surtout c’est fou de devoir mener des combats, des campagnes, sociales et juridiques pour un truc qui a toujours été là et qui le sera toujours après nous !

Alors tu vas probablement te dire que je m’emporte et m’insurge encore pour rien, que le passé et le passé, qu’il faut avancer, et voire tout ce qui se fait de positif aujourd’hui en faveur de l’allaitement. Et tu as raison. Mais permets-moi de te répondre que lorsque l’on ne sait pas d’où l’on vient, on ne sait pas où l’on va !

Et que si comme moi tu as une fille (m’enfin ça n’empêche pas d’en toucher deux mots à ton petit garçon aussi) alors il te faut comprendre votre histoire pour qu’elle-même puisse faire un choix éclairé, puissant, raisonnant et aligné le jour où viendra son tour si elle-même décide d’avoir des enfants.

Nous avons un devoir de mémoire. Au moins pour toutes les sacrifiées avant nous. Et dis-toi bien qu’elles ne sont pas si loin. Ta mère et/ou ta grand-mère en ont peut-être fait les frais elles-mêmes.

« je n’ai pas pu t’allaiter, tu étais un bébé qui ne prenait pas le sein »
« j’ai dû te nourrir en mixte car tu ne prenais pas de poids »
« mes seins étaient trop petits/gros pour te nourrir »

Et tant d’autres phrases que tu as peut être entendues dans ta famille. De ta mère, ta tante etc… Des litanies qu’elles ont elles-mêmes entendues des médecins de leur époque et qu’elles se sont répété comme des chapelets de bandages autour de leurs plaies, pour adoucir la douleur de leur instinct. Alors qu’elles ont porté les transmissions transgénérationnelles et inconscientes des femmes avant elles, et de la méconnaissance et des mythes que les médecins de leur époque eux aussi ont portés de cette transmission au sein (au sein… un comble de placer ce mot ici !) de leur corporation et de leur métier.

Il s’agirait de connaître son passé pour au moins être en paix avec et pouvoir avancer réellement libérée et en conscience dans notre voie lactée. Et pouvoir à notre tour reprendre un vrai travail de transmission, avec tous les merveilleux outils de notre époque (association, bénévolat, réseaux sociaux, podcast, vidéos, etc…).

Aujourd’hui nous possédons une liberté et une force de communication jamais égalée, alors profitons-en. Mais en conscience. De nous-même et de notre Histoire avec un grand H. Afin de créent de nouvelles transmissions intergénérationnelles, cette fois-ci conscientes et éclairées.

Sur ce, c’est tout pour moi pour cette Lait’tre,
Je te dis à demain et te souhaite une douce jour’néné.